Acte I ▬ « la fêlée, l’amnésique et l’assoiffé »

Inlassable volonté. Violente plusion.

Encore une journée comme une autre, dans un bar comme un autre. Des questions comme les autres, et le non, comme les autres. L'écarlate commençait à désespérer, à perdre toute foi en un espoir idiot. C'était une pure connerie, au final, que de se lancer dans une traque aussi singulière. Elle n'avait rien. Pas une destination, pas une source, pas une seule personne. Non, le canonnier qu'elle chérissait depuis bien des années était devenu un véritable fantôme. Comme s'il n'avait jamais existé. Et peut-être qu'elle ne parviendrait jamais à parvenir à ses fins. Néanmoins, elle était d'une telle fougue que l'idée d'un abandon pur et simple semblait bien loin de toute horizon. Loin, devant elle, à des années lumières de sa configuration mentale actuelle. Et même si la colère prenait le pas sur le reste, à chaque échec, elle tentait de contenir son animosité autant qu'elle le pouvait. Les choses n'étaient pas simples, et lâcher les nerfs aussi vite serait trop brusque.
Non, définitivement et bien simplement, la corsaire devait continuer sur sa lancée. Comment pourrait-elle lâcher prise ? Sans savoir si elle ne s'approchait pas de son but. Quand bien même elle en aurait encore été très loin, celui qu'elle recherchait de l'aurait sans doute pas laissé disparaître dans la nature sans cherchait à la retrouver. Elle en était intimement convaincue. Et rien ne pourrait détruire cette idée. Autant puisse-t-elle être folle ou raisonnable. Mais seul le temps serait capable de donner raison ou non à Alma. Rien que le temps.

Accoudée au bar en bois de cette taverne, elle attendait de trouver une nouvelle piste. Une bonne gorgée d'alcool brûlant, glissant goulûment dans sa gorge, lui procurait une sensation de repos. Elle ne se laissait pas une seule seconde à elle-même. Le peu de temps qu'elle parvenait à gaspiller en dépit de sa traque, se trouvait malheureusement mis à l'escient de celle-ci. Une pause ne lui serait pas reproché. Et puis, au diable, elle en avait essuyé des années de supplice. Des années à passait de bar en bar. Stop. Le temps de faire ce dont elle avait désormais envie lui était donné sans aucune autre forme de procès. Et elle le prendrait sans attendre.
Cependant qu'elle reposait son verre vide, elle prenait ensuite la peine de s'allumer une cigarette. Elle qui fumait à l'accoutumée en marchant, savourait aussitôt l'adoration que lui donnait cette sensation. Celle d'être simplement posée sans attendre. L'ambiance presque trop festive de ce bâtiment irrité indéniablement la jolie pirate. Sa main droite la titillait, prête à saisir la crosse du fusil qui trônait dans son dos. Pour ensuite décocher une balle en direction du premier joyeux luron qui se faufilerait. Le moindre mouvement serait mortel. Elle en avait assez du bruit et de l'agitation. Et les choses ne semblaient pas proches de se stopper.

- Hey, mets m'en une autre, tu veux ? Lançait-elle à l'intention du barman, décidée à se détendre les méninges.

Et il s'exécutait sans attendre. L'écarlate soupirait avec lassitude, le tout en avançant l'argent vers l'extrémité du comptoir. Ses fins doigts de marbre glissaient avec lenteur sur le marbre. Une lenteur qu'elle comparait sans effort à la vitesse des évènements se déroulant à ses côtés. Sans qu'elle ne s'en rende compte, ni n'y prête le moindre coup d'oeil, un semblant d'affrontement se déroulait déjà à ses côtés. Un nouveau soupire filait entre ses lèvres. Décidément, son irritation grandissait à mesure que l'ambiance étrange de ce bâtiment monter d'un cran. Les bagarres étaient communes à ce genre d'endroit, qu'à cela ne tienne. Et au vue de l'accoutrement du provocateur, il ne s'agissait de rien d'autre qu'un Marine. Finalement, les évènements lui plaisaient bien. Et par conséquent, elle se tournait vers les deux fous, lorgnant sur les coups qui s'échangeaient.
Bien évidemment, ce qui semblait être un simple saltimbanque prenait le dessus. Une chose qui ne lui déplaisait nullement. Lorsque le mur s'effondrait par la poussée de l'obstiné, elle se retenait d'applaudir. Mais une chose attirait son attention. Le brun se dirigeait vers une chose à l'autre bout du mur tombé. Et par un réflexe certain, elle s'avançait déjà, la main prête à dégainer une arme s'il le fallait. Les semblant de trapes - comme celle qui trônait au sol - cachait souvent nombre de chose. Et parfois même quelques trésors. Son esprit de corsaire prenait le dessus, et elle tenait à s'avancer.

La jolie jeune femme aux cheveux rouges suivait prudemment le fou. Son fusil avait finalement rejoint ses mains, prête à tirer s'il le fallait. Et le coup partait de lui-même. Au moment où il s'adressait au saltimbanque. Il avait bondit comme un animal sauvage hors de sa cage. La balle avait dû siffler à ses côtés, pour finalement se loger derrière des buis. Tout naturellement, le second protagoniste rejoignait l'assemblée de témoins bouche-bée, semblant prêt à ce joindre à ce qu'il nommait " festivités ". La rouquine ouvrait des yeux ébahis, mais renonçait toutefois à tirer une nouvelle fois. Ce serait faire du bruit pour rien, et elle n'en avait finalement pas envie.