Du Rhum, des Femmes et la Paix nom de dieu ♪ [ PV Seifer ]

Enfin seul. Des jours qu'il attendait ce moment, cette première permission. A peine la cloche avait-elle sonnée que Leo s'était rué hors du QG, embarquant sur le navire sensé le ramener au port le plus proche. Il l'avait attendue, cette permission, ne désirant rien de plus que de souffler un peu, loin de son « équipage » cauchemardesque. Il n'avait rien demandé à personne, après tout, alors pourquoi le karma s'obstinait-il à s'acharner encore et toujours sur le même quidam, pourtant pas bien méchant. Outre les « illustres » compagnons majeurs, il se coltinait pas moins que des culs-de-jatte comme matelots, et leurs prouesses tant comme marins que combattants laissaient plus qu'à désirer. A défaut de personnel compétent, au moins avait-il droit aux plus effrayants, se voyant déjà fléau de la piraterie, récoltant les médailles à tour de bras, raflant les galons à un rythme si effréné qu'il ne saurait revoir un jour la tronche de ses cauchemars.

En attendant, ne restait que la solitude pour le faire sourire, et la picole si ses souvenirs se voulaient trop inopportuns. A peine le navire leva-t-il les voiles qu'il vidait déjà sa gourde, préférant de loin le malaise de l'ivresse aux scénarios qui commençaient à prendre racine dans son esprit. Les tanches sous son commandement se voyaient bien capable de détruire le QG par le feu et la bêtise, mais il lui fallait oublier ce détail. Trois jours on lui offrait, trois pauvres petits jours dans une année entière. « Engagez Vous », qu'ils disaient, foutus chacals. Sa gourde de secours vidée plus tard, voilà notre héros enfin pourvu d'un mince sourire, bien content d'avoir sous les yeux ce magnifique port de briques, de bois et d'argile.

Ni une, ni deux, autant continuer sur sa lancée. Sans chercher le pourquoi du comment, c'est bien vers la première taverne venue qu'il faisait route, bien décidé à prendre la biture du siècle, seule chose, hormis la mort, susceptible de lui offrir un repos non de minutes ou d'heures, mais bien de jours. Quelle vie pitoyable que de souhaiter ce maigre repos, pourrait-on penser, mais ce serait oublier que le bougre n'aura jamais été un gros dormeur, à l'inverse de ce foutu Myosh qui passait la moitié de la journée à pioncer, l'autre moitié à remplir ses poches sur le dos de ses combattants clodos. Un magot que Leo aura prit soin de voler sans une once de remord. Son navire, sa paye, sa picole. Quelle joie que d'être le patron, même d'un ramassis de crétins finis.

D'un coup de pied, il dégonda la porte de la taverne, la frappant à nouveau une fois à terre tel un cow-boy des temps moderne. Tant pis pour le type coincé dessous, dont le nez venait de céder dans un bruit très nettement reconnaissable. Tant pis également pour le tavernier, qui se ferait de toutes les façons des couilles en or sur l'ardoise du marine, qui n'en avait pourtant aucunement l'air à l'heure actuelle. Dépourvu tant de son manteau que de toute trace de galon, notre héros se pavanait plus façon que pirate qu'en fier soldat, suscitant tant méfiance que semi admiration dans la salle. Et quelle salle, grand dieu, qu'un ramassis de péquenauds qu'on aurait dit trempés dans l'urine rien qu'à l'odeur, faisant état de macération dès qu'un rayon de lumière frappait leur visage. Dans quel enfer était-il tombé, ça, il ne saurait le dire.

Et pourtant ni l'odeur ni les tronches pour le moins glauques de ses camarades de beuverie ne vinrent gâcher son plaisir. Cul-sec après cul-sec, déboîtant de fait le record national de verres vides même par concours de boisson, c'est bien totalement pété que le jeune homme finit par rouler une galoche à la femme de l'aubergiste. Ce dernier réussit par miracle à le retenir de lui rouler autre chose à un autre endroit, chose, que ses camarades de boissons semblaient trouver ennuyeux.

→ C'ptet pas un bordel ta taverne, mais j'vois bien qu'ta femme m'allume d'puis taleur. Laisse moi faire, j'vais t'montrer comment contenter une femme.

→ Mais enfin monsieur, c'est pas ma femme c'est le bocal de cacahuètes!

→ Et alors ? Z'ont pas droit un peu d'amûûûr les cac..caca...huet'?

S'en suivit ce qui devait s'en suivre, fatalement. Aucune cacahuète ne fut maltraitée ce jour là, contrairement au derrière de notre héros, bien enflé autour d'une trace de semelle sur une fesse rosée comme jamais. Piètre vision qu'un commandant cul nul semi affalé sur le sol, s'apprêtant qui plus est à s'endormir telle une loque humaine.

Que le sommeil est bon. Qu'il se veut réparateur, sain et infiniment sympathique une fois que les ombres font place aux rêves. Alors les tracas quotidiens s'envolent, ne reste que l'imagination, cette merveille de prouesse psychique emplissant ce monde de songes des meilleurs choses au monde. Ça y est, plus d'équipage de bras cassés, plus de vieillard sénile pour lui marcher sur l'orteil, plus de type dégueulasse pour le décocher une mandale en le prenant pour un clodo, pourtant lavé. Plus que la paix, la tranquillité, le rose d'un amour disgracieux mais non moins mutuellement profitable. Oui, le bougre rêvait de sexe, sauvage, bestial, homosexuel. Heu, what ? Un putain de dandy verdoyant venait de lui hurler aux oreilles, comment pensez vous que son esprit puisse interpréter ça ? Un râle de mâle, dans un songe sexuel, forcément, ça dérape, et la glissade se veut bien douloureuse. Et en parlant de douleur, voilà une trace de semelle qui recommençait à faire des siennes, alors qu'un Leo beurré jusqu'au trou à la sortie de ses rêves peinait à se relever.

Enfin debout ! Et pas pour le meilleur à en juger par la pose ridicule mais non moins sexy de son réveil hurleur. Caldé à pois, vent frisquet sur les mollets, voilà un bien bel énergumène qui faisait à son tour son entrée. Ou son retour, plutôt, au vu des circonstances, que Leo ne tarda pas à suivre discrètement, légèrement intrigué. Si l'alcool de cidre tapait toujours sur son crâne, il n'en restait pas moins intrigué par le signe du destin. Cette connexion, cette opposition flagrante qui ferait du dandy émeraude un puissant allié du moment ou, au contraire, son nemesis le plus acharné. En effet, un lien. Alors que le marine se retrouvait cul nul, le grand dadet ne gardait quand à lui que son slibard, les deux réunis formant donc un ensemble textile parfait. Un mince lien, certes, et pas des plus classes, mais qui arriverait sans doutes à changer la face de cette île pour les prochaines heures.

Son Copain-nemesis, rayez la mention inutile, n'était pas dépourvu de quelques capacités non plus, à en juger la coulante qui se tapaient les deux clodos sprintant droit vers les toilettes, et le troisième qui se roulait presque sur la table, prit de spammes affreux. Voilà typiquement le genre de pouvoir que l'on ne veut pas voir en face de soit, à moins de savoir répliquer avec la force adéquat. Dans le cas de Leo, il faudrait attendre une bonne nuit de sommeil, chose impossible s'il devait passer le reste de la journée sur le trône. Quelle meilleur décision alors que de prendre parti pour le péquenaud à tête de gazon, quitte à finir à la benne le soir venu.

Le capitaine-commandant remonta son pantalon alors que son nouvel ami se voulait de nouveau fringué en intégralité. Restait à savoir que faire de ce concombre humain, la taverne se devant de rester un lointain souvenir que beaucoup préféreront oublier. Restait donc le reste de l'île pour terrain de jeu, et quoi de mieux pour glander le reste de la journée que d'être en compagnie d'un inconnu, qu'importe si son instinct lui criait de fuir. Les rares fois ou ledit instinct faisait des siennes, Leo ne tardait guère à rencontrer des types cauchemardesques, comme Myosh' ou Viktar-jiji. Son sixième semblait s'affoler de même manière le cas présent, mais, comme d'habitude, il passa totalement outre en présentant une main à serrer à son vis-à-vis.

→ Hmm, j'suis Leo. Viens, j'te paye une crêpe.

Niveau politesse, on repassera. Si serrer une main et se présenter reste bien vu dans la majorité des pays, ni s'il te plaît, ni merci, ni rien d'autre ne venait ponctuer son approche. Si mal en point soit-il avec la murge au cidre qu'il venait de prendre, il remarqua tout de même cette absence de bienséance pour mieux l'ignorer dans la foulée, délaissant l'entrée de la taverne pour prendre à gauche au niveau de la rue, sans prendre un instant le temps de voir si son compère le suivait. Qu'il vienne ou non , Leo gardait pour seule ambition d'acheter deux crêpes, de toutes façons. Il disposait d'un budget serré mais réglé au poil du cul, pour un programme établi tout au long des deux dernières semaines. Mais au diable les prédictions, la journée s’annonçait bien trop en dehors des clous pour prédire quoi que ce soit maintenant.

Il prit le temps pour s'asseoir au premier stand venu, luttant contre la perte de contrôle due à l'ivresse pour ne pas tomber. D'un geste de la main, il commanda deux crêpes, un pot de confiture, un pot de pâte à tartiner au chocolat et deux bols de cidre, avant de poser sa bourse sur la table. S'il n'était pas en état de compter chaque berry dépensé, au moins lui restait-il la pseudo confiance envers les commerçants. Ou pas, en fait, alors que le commandant déposait dans la foulée son épée sur le comptoir, toujours dans son fourreau, mais appuyant de fait une potentielle non-débilité. Il pourrait cependant être intéressant de voir un Leo cuit comme jamais en plein combat. Son subordonné «préféré», Myosh', se voulait lui même pseudo-maître Drunken Master, ses compétences en la matière ne seront pas tombées dans l’œil d'un aveugle. Mais il fallait cesser d'y penser, éviter de causer un incident diplomatique considérable, en plus d'éviter à son nouveau compagnon une coulante digne deux deux clodos plus tôt. A nouveau, sans dire un mot, la tête du marine plongea contre la table, ne laissant qu'un bruit sourd, rapidement suivi d'un début de ronflement.

« Plaf. »

Et un homme à terre, un. Une chute qui semblait avoir duré un millénaire, durant laquelle notre héros avait eu tant le temps de se réveiller que de trouver des réponses aux questions les plus existentielles que l'homme pouvait bien se poser, jusqu'à écarquiller yeux et narines avant de tout oublier sous le choc de son front sur le macadam. Ça valait bien le coup de faire tourner le moteur à méninges, le tout pour finir à terre sans même le petit espoir de se relever. Au moins les nuages arboraient quelques formes comiques, seule chose à même de ne pas faire éclater le commandant en sanglots. Vie de merde, de toutes les façons possibles. Serait-il un jour capable d'agir de façon à attirer des personnes intéressantes et non totalement stupides ? Le karma, encore et toujours, ce foutu train de vie qui semblait lui en vouloir, au point de ne lui permettre aucune forme de bon sens, pour toujours et à jamais.

La preuve le cas présent, alors qu'une belle bande de marine zélés venait jeter un œil près de leur crêperie. Il n'y avait décidément que le «grand» commandant Leo Hainefuss pour se vautrer par terre devant la bleusaille disposée à le reconnaître, laissant un clodo alcoolique devenir la risée du coin, cible d'un garde à vous légèrement trop théâtral. Encore que, une fois encore, on pouvait mettre sur le dos de Myosh' cette présentation de mauvais Karma. Jamais il n'aurait été reconnu de ces braves soldats s'il n'avait pas du rayer de la carte un hangar à grands coups d'épée flamboyante deux jours plus tôt, alors qu'il tentait de mettre un terme à la vie de son subordonné direct, qui s'était enfui du navire nu comme un vers. Plus encore, le Myosh', somnambule, avait généré un tel chaos en collant ses parties sur le front du moindre matelot rencontré qu'il en était devenu l'ennemi public numéro 1 du QG. Leo n'avait fait que répondre aux ordres de son supérieur, tentant d'éliminer la menace en découpant chaque pilier du hangar. Helas, Myosh' avait survécu, son identité avait été exposée et tout s'était terminé là, sans le moindre incident.

Au moins toute cette histoire n'avait su lui donner fausse et mauvaise réputation, comme il avait su le craindre sur le moment. Mais jamais il n'avait pensé pour autant que le fait d'être reconnu de la moindre piétaille lui vaudrait une telle honte à ce moment, alors que les yeux des civils s'étaient tournés vers le petit groupe, laissant un commandant légèrement aviné allongé au sol, les yeux non tellement en face des trous. Une situation qui n'aurait su changer du fait du commandant, qui louait à présent son compagnon. Au maximum de ses possibilités, du moins, ne comprenant pas tout à fait le sens de sa gestuelle et de sa philosophie particulièrement foireuse, plus proche d'éclater de rire que de répondre d'une pensée profonde à son tour. Un choix qu'il n'aura jamais eu à faire, loué soit un quelconque dieu, alors qu'à quelques dizaines de mètres de là un bâtiment explosait, relâchant un énorme nuage de fumée immaculée.

→ Bordel de!

Voilà une expression plutôt commune alors que ses pensées le menait à une conclusion non tellement réjouissante. S'agissait-il là d'une attaque terroriste visant à répandre un poison mortel ou une drogue quelconque sur l'île la plus proche du QG de la marine, ou la marine elle-même venait-elle de faire sauter un stock de ces mêmes substance ? Tant de pensées remises en question alors qu'un citoyen gueulait «Le stock de farine !» à qui voulait l'entendre, déclenchant de fait une panique générale, non allégée par la venue d'un mastodonte de bois et d'acier qui se frayait un chemin à travers les débris. Un corps constitué des tonneaux les plus classiques, reliés entre eux par quelques jointures d'acier et de caoutchouc, et une véritable tête de tueur, où quelques fentes semblaient avoir été taillées au couteau pour donner à cet étrange robot un aspect démoniaque. Ni une ni deux, Leo se releva, prit son compagnon du jour par le bras avant de tourner sur lui même et le lancer littéralement sur ce nouvel ennemi.

→ Seifeeeeer Attaaaaack !

Un bien beau lancé que voilà, alors qu'un dandy chapeauté atterrissait pile sur le robot. La gueule de bois n'aidant pas, il s'agissait là de la meilleur stratégie envisageable, d'autant qu'emeraude-boy et ses imitations d'arts martiaux semblait bien enclin à donner quelques coups. Quant à Leo, peut-être prendrait-il part à la bataille selon les résultats de son «ami».